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  UNI-Lyon novembre  1998 E-MAIL

LES STRATEGIES POSSIBLES ET LEUR APPLICATION AU TRAVAIL D'UNE SECTION

L'objet de cette note est d'examiner les avantagesde la stratégie dite de "l'expression tous azimuts" issue du jeu de Go. Stratégie utilisée avec succès par la CGT depuis une quarantaine d'années.

En 1945, Truman avait fait étudier la stratégie de Mao contre les japonais d'une part, Tchang Kaï-Chek et ses alliés occidentaux d'autre part. Il constate que Mao établit une relation entre les stratégies occidentales et le jeu d'échec. Jeu qui relève de l'absolu et met en cause la vie du roi. Mao, lui, s'inspire de Sun Tsu et de son Traité sur l'art de la guerre (4ème siècle avant JC). Il établit alors une relation entre Sun Tsu et le Jeu de Go.

Plan :

I. Les stratégies occidentales

    1. les stratégies directes et indirectes

    2. stratégie des alliés

II. La stratégie issue du Jeu de Go

    1. le damier

    2. les principes

III. Conclusion


I. Les stratégies occidentales

Pour Machiavel, la stratégie veut l'efficacité. L'efficacité est conçue comme une combinaison de la "virtu" (détermination, volonté) et de la fortune (au sens d'opportunité, d'un mélange de chance et de temps).

Le Maréchal de Saxe situe l'efficacité principalement dans le nerf de la guerre "de l'or, de l'or, de l'or". Le Maréchal de Turenne considère avant tout que "Dieu aime les gros bataillons". Enfin Napoléon fait intervenir le moral et situe le rapport entre le moral et la force dans un rapport de 4 à 1.

On peut alors dire que l'Efficacité est la combinaison de l'Art (stratégie et tactique) avec la puissance (psychologie, pouvoirs et temps). Certains considèrent que le facteur psychologique est le plus important.

En tout cas, il n'est pas forcément excessif de dire que le stratège est un artiste spéculatif.

    1. Les stratégies directes et indirectes

Le but pour Clausevitz est de déstabiliser l'adversaire, de le briser dans son élan. La négociation se fera en position de force. Pour y arriver on développe des stratégies soit directes, soit indirectes.

Une stratégie directe vise la déstabilisation, l'affaiblissement de l'adversaire par l'affrontement, en ligne, de plein fouet, à découvert (la bataille de Crécy, le débarquement de Normandie, une grève massive).

Jusqu'en 1976, sur le terrain social, cette méthode était réputée la plus efficace par les organisations syndicales (le rapport coût/gain était favorable aux grévistes). La grève de 1976 dans les universités est la dernière de ce type.

La stratégie indirecte a le même objectif, la déstabilisation, mais sans affronter l'adversaire dans son pouvoir. On cherche à affaiblir le facteur psychologique. On cherche le découragement qui économise l'affrontement.

Pour saper le moral de quelqu'un, il ne faut justement pas l'agresser de plein fouet, car alors on augmente l'agressivité de l'adversaire. Il  faut procéder par la ruse, la surprise, l'enveloppement, le harcèlement, le terrorisme, les trahisons. On pense alors moins meurtre que paralysie. Il s'agit d'amener l'adversaire à rendre les armes tout en faisant en sorte qu'il s'estime non pas vaincu, mais tout simplement convaincu.

Ces deux stratégies ont pour but d'imposer à l'autre sa volonté. Ce qui est très occidental et surtout très français.

    2. Stratégie des alliés

Elle est absolument nécessaire. On ne peut en faire l'économie. Le geste politique fondamental est celui qui consiste à distinguer les alliés des adversaires. Celui qui est ami de tout le monde n'existe pas. Jamais l'Eglise n'a été aussi puissante que lorsqu'elle distinguait clairement les bons et les méchants. Pour comprendre la stratégie des alliés, il faut examiner les stratégies basses et hautes.

        a) sratégie basse

L'objectif est d'imposer sa volonté à l'adversaire. On mobilise les forces, les volontés et on tend les energies contre l'adversaire. C'est une stratégie d'imposition. Si les deux sont en stratégie basse, c'est la guerre : on revient alors aux stratégies directes et indirectes.

        b) sratégie haute

Au lieu de vouloir imposer sa volonté, on se jette dans les bras de l'adversaire : pour améliorer les conditions d'études, pour l'accès des étudiants de 1er cycle à la bibliothèque etc ... On entame une relation de concertation. Moralement, l'adversaire se sent obligé d'accepter les revendications.

Le Gô appartient à la catégorie des stratégies hautes (avec des nuances tout de même).

C'est à ce moment là qu'il est nécessaire de classer les personnes qui occupent le terrain afin de séparer les alliés des ennemis.

Il y a tout d'abord les minimalistes, ceux qui ne prennent pas d'initiatives, l'étudiant qui fait juste ce qu'il faut pour obtenir sa dérogation, mais se fiche du reste, celui qui est intéressé par ses études mais rien d'autre. C'est la grande masse des étudiants. L'enseignant (ou l'IATOS) préoccupé uniquement par son grade et son ancienneté dans le grade est la catégorie, elle aussi, la plus répandue.

Ensuite, on trouve les coopératifs, ceux qui peuvent être motivés par une démarche visant à améliorer la solidité ou le confort des locaux, ceux qui se préoccupent de la qualité des études. Mais il y a obligation de résultat si l'on veut qu'ils restent des coopératifs, sinon la synergie avec nous baisse et l'antagonisme croît.

Enfin on trouve les militants, ceux qui s'identifient à nous ou à nos adversaires.

Que peut-on attendre de ces trois catégories ?

Des minimalistes, on ne peut attendre qu'un ralliement passif à nos positions ou qu'une indifférence hostile.

Des coopératifs, on peut attendre une certaine résistance, mais dans le but de faire pression, d'user de pouvoir. Les coopératifs se donnent des billes pour tendre vers un arrangement.

Les militants sont soit les nôtres, soit des adversaires : ils sont par essence irréconciliables.

Qui sont-ils ?

Les minimalistes peuvent être chacun d'entre nous en dehors de notre vie de militant, puisqu'on entre dans cette catégorie dès qu'on se désintéresse complètement d'un sujet, lorsqu'on est décidé à n'être que spectateur et surtout pas acteur. Le minimaliste attend tout des autorités établies, il est légitimiste. Il rempli en réalité des fonctions positives : stabilisation, décantation des idéologies, masse de manoeuvre. On peut les représenter sous la forme d'une boule : ils roulent. Si l'on veut lancer un mouvement, alors il faut faire rouler la boule (à la CGT on dit "ôter la cale").

On peut aussi (si l'on veut construire au lieu de détruire) chercher à transformer la boule en ballon, en lui insufflant de l'air chaud (projet commun, part de rêve...).

Dans l'action, on s'accommode assez bien des antagonismes, mais on ne supporte pas l'absence de synergie : l'un des moyens de créer la synergie est de pratiquer des alliés :

Si l'on affine un peu les deux catégories les plus intéressantes (ou les plus dangereuses) les coopératifs et les militants, on trouve :

- les donnant-donnant : si tu rapportes quelque chose tout de suite, je viens;

- les déchirés, engagés à fond et pourtant totalement antagonistes ("comment des fachos tesl que vous peuvent-ils aussi bien défendre les intérêts des étudiants ?"). C'est la stratégie de Chimène, "Qu'il est beau l'assassin de papa !";

- les casseurs, ceux qui sont hostiles par principe, c'est le miracle qu'ils nous rejoignent;

- les oppositionnels par principe, les représentants des syndicats les plus solides (SNESUP, SGEN, UNEF);

- les alliés inconditionnels : manquent souvent d'esprit critique;

- les concertatifs : présentent plus de synergie que d'antagonisme. C'est la catégorie la plus intéressante.

La stratégie des alliés vise à reconnaître aux amis de l'antagonisme, aux adversaires de la synergie.

Il faut appliquer 4 règles :

                                                1. distinguer : "qui n'est pas contre moi est pour moi";

                                                2. prendre ses alliés comme ils sont (ils peuvent faire partie des déchirés);

                                                3. renforcer l'alliance : information, formation, considération, promotion ( on fait élire un allié dans telle ou telle commission, conseil, etc ...), rénumération (interventions auprès des différentes autorités universitaires, politiques, etc ... pour obtenir un avantage personnel à l'allié) en fait, il s'agit de trouver des moyens pratiques qui permettent aux alliés de nous soutenir.

                                                4. refuser la relation publique avec l'adversaire ( à ne pas confondre avec le traitement de "l'allié objectif") : entretenir des relations avec l'adversaire revient à se couper des alliés.

 

II. La stratégie issue du jeu de Go

Pour Sun Tsu le but n'est ni la déstabilisation, ni l'affrontement, ni la diminution du pouvoir de l'autre ni son affaiblissement psychologique, le but, c'est de faire prévaloir la vérité.

Si Sun Tsu fait siège d'une ville, il fait un siège perméable, pour pouvoir faire rentrer un peu d'or, de nourriture, des agents, surtout pour que la ville se livre d'elle-même avec des fleurs. Il faut rallier la ville et pour y parvenir, subvertir ses habitants.

Sun Tsu estime d'une grande vulgarité celui qui accepte une escarmouche en rase campagne : il prend le risque de tuer un soldat qui pourrait être un rallié.

Sun Tsu ne s'attaque pas à l'ennemi mais aux plans de l'ennemi. Il refuse l'affrontement direct et préconise la fluidité. L'armée doit être comme de l'eau.

Pour des fins différentes, Sun Tsu et le Jeu de Gô on recours au même moyen : la fluidité.


L'objectif du Gô, c'est exister plus que l'autre.

    1. Le damier (Gô Ban)

361 représentent l'infinie successsion des jours et des nuits. On appelle une intersection une liberté. Le damier est vide en début de partie.

La notion de mouvement s'apprécie en terme d'influence.

Ce qui est important dans ce jeu, c'est d'avoir un projet (dans la réalité, c'est le projet qui attire les hésitants).

Dans le jeu, le premier des deux joueurs qui lors d'un affrontement quitte le terrain pour aller jouer ailleurs reprend l'initiative.

Les pions sont comme politiquement engagés.

Le jeu de Gô est une stratégie du nombre. C'est aussi une stratégie du gagne-petit. On a une impression de dispersion, de pauvreté, de désordre. Mais tout est efficace, car relié par un fil invisible qui est le projet.

    2. Les principes

a- en toute circonstance, il faut se ménager des degrés de liberté, pour être libre il faut 2 jeux, 2 choix au minimum;

b- il faut savoir changer de damier, décider de celui sur lequel on joue;

c- il faut poser des jalons, on ne peut vraiment jouer au jeu de Gô qu'avec des militants;

d- il faut établir des connexions, construire des territoires, déconnecter des adversaires de leurs propres territoires;

e- il faut s'appuyer sur le bord du damier : c'est l'importance du nombre (Mao se crée des territoires dans les campagnes, il les connecte puis s'intéresse aux villes de province, enfin, une fois ces villes ralliées, il s'attaque à Pékin et à l'Etat-major de Tchang Kaï-Check). Qui tient le bord, tient le centre, c'est à dire le pouvoir (or, au bord, il y a une grande quantité de minimalistes. Il faut donc tenir la 4ème ligne du jeu de Gô, celle qui est la plus proche de la ligne du bord, celle qui correspond aux coopératifs). Mao : "Le châle se défait par les bords".

f- il faut jouer 2/3 des pions en extension (exploration de nouveaux territoires, changement de jeu pour reprendre l'initiative), 1/3 en contention (consolider son territoire, limiter l'adversaire, le fixer).

Il faut alors agir avec les militants, ceux pour qui "Moi" est inférieur à "Nous" et mettre en synergie (par la négociation, la concertation) les coopératifs, ceux pour qui "Moi" n'est pas plus fort que "Nous" (mais pas moins non plus) de façon à entraîner enfin les minimalistes, ceux pour qui "Moi" est plus grand que "Nous" et qui ne suivrons que si la pression des "Moi" est plus faible que la pression du "Nous".

Le "Nous", c'est le projet, qui fait l'unité entre le centre et le bord du damier. Le projet doit être simple, vaste, nécessaire, collectif, équitable, ludique, affectif.

- simple dans son libellé;

- vaste, c'est à dire prégnant, qui englobe la toute la vie de l'étudiant, de l'enseignant;

- nécessaire, le doute ne doit pas avoir de prise;

- collectif, sinon le projet aura du mal à descendre des militants aux coopératifs puis aux minimalistes;

- équitable, légitime, car il ne doit pas donner l'impression qu'il sert les intérêts du centre au détriment du bord;

- ludique, il faut faire rentrer les minimalistes dans un défi, une aventure, un jeu;

- affectif, à mesure qu'on passe de la stratégie basse à la stratégie haute, l'affectif l'emporte sur l'intellectuel.

g- jouer avec le temps, en particulier être conscient de l'importance de la répétition pour faire passer le discours du damier intellectuel au damier affectif.

 

III CONCLUSION

La stratégie de l'extension tous azimuts issue du jeu de Gô doit être attentivement méditée. Recourir à elle, c'est assurer un développement régulier à sa section, c'est jouer avec le temps, c'est faire passer le concret avant l'illusoire, la construction à long terme avant l'effet médiatique à la petite semaine. Cette stratégie connaît une limite : celle du moment où l'on a suffisamment étendu son territoire pour gêner trop, alors c'est la guerre. Il vaut mieux s'y être préparé, d'autant que rares sont les sections qui (dans l'hypothèse où le responsable gère bien l'extension) se développent sans rencontrer très vite des oppositions parfois brutales.

D'ailleurs, il serait imprudent de considérer que l'objectif du jeu de Gô, faire prévaloir sa vérité, exclut celui du jeu de d'échec, détruie l'adversaire. On peut légitemement estimer qu'il n'y a pas contradiction et jouer au Gô tout en intégrant la finalité du jeu d'échec qui doit cependant rester subsidiaire.